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[BELGIQUE] La réforme des pensions : version simplifiée

Publié le 23 mai 2018

Le mercredi 16 mai 2018, les syndicats belges organisaient une manifestation générale contre la proposition de réforme des pensions du gouvernement Michel, représenté par Daniel Bacquelaine, Ministre des Pensions (MR). Le nouveau système proposé est plus communément appelé « le système à points », et entrerait en vigueur en 2025.

 

Le(s) principe(s) de la pension à points

 

A l’heure actuelle, l’octroi des pensions fonctionne à partir d’une revalorisation des rémunérations passées sur base de l’inflation. C’est-à-dire que le montant de la pension est calculé à partir des salaires obtenus pendant la carrière, et revalorisé en fonction de la hausse des prix des biens de consommation. En outre, le critère principal de départ à la pension est l’âge légal (actuellement fixé à 67 ans pour 2030). A partir de cet âge légal, et en fonction de certain critères, on peut partir plus tôt, ou plus tard, à la retraite.

Avec le nouveau système, ces deux principes changent. D’abord, on revalorise les rémunérations passées, non plus sur base de l’inflation, mais à partir du salaire mensuel brut moyen de l’année écoulée. La raison serait, selon les défenseurs du système à points, qu’on en serait plus ou moins tous gagnants puisque le salaire mensuel brut augmente plus vite que l’inflation. Ensuite, plutôt que l’âge légal, c’est la durée de la carrière de référence qui sera la nouvelle mesure pour le départ à la retraite. Ce serait logique dans la mesure où l’espérance de vie moyenne a considérablement augmenté les dernières décennies. Plutôt que d’avoir un âge de référence, le gouvernement et le Conseil Académique des Pensions estime qu’il est plus juste et plus soutenable de se baser sur la carrière de référence. Cela aura pour conséquence que quelqu’un qui travaille moins longtemps gagnera moins, et à l’inverse, quelqu’un qui travaille plus longtemps gagnera plus.

 

Le calcul de la pension

 

Venons-en à nos moutons : dans un souci de facilité et, si l’on en croit le gouvernement, de « transparence », le calcul se fera d’abord et avant tout par des points. Ces points prennent pour mesure le salaire mensuel brut moyen, et leur valeur dépend d’où se situe le salaire du travailleur par rapport à ce montant de référence. Quelqu’un qui aura gagné, à une année donnée, un salaire équivalent à ce montant, obtiendra exactement un point. Quelqu’un qui gagnerait moins que le salaire mensuel brut moyen, obtiendra moins qu’un point. Quelqu’un qui gagne plus, obtiendra plus qu’un point.

 

En fin de carrière, on compte les points acquis, on les revalorise en fonction du salaire moyen de cette année (revalorisation qu’on appelle aussi « correction actuarielle »), et on les multiplie avec ce que les économistes appellent « le coefficient de conversion », qui représente la durée de la carrière. Pour faire simple, plus on gagne et plus on travaille longtemps, plus le montant de notre pension sera élevé.

 

Donc… il est où le problème ?

 

 

Les métiers pénibles et l’inactivité professionnelle

Plusieurs « quacks » ont été soulignés, par les syndicats notamment. D’abord, on pose la question de la pénibilité de certains métiers, et de possibles périodes d’inactivité professionnelle, surtout en ces temps difficiles au niveau de la sécurité d’emploi. Un groupe de recherche, sous le nom de publication des « Economistes de l’UCL », assure qu’il existe des moyens, inhérents au système, pour intégrer ces facteurs dans le calcul de la pension.

 

Premièrement, pour les métiers pénibles, les économistes expliquent que, durant l’exercice de ce type de métier, le travailleur recevra plus de points que s’il exerçait un métier « normal ». Si ce travailleur décide de prendre sa pension plus tôt, ces points supplémentaires lui permettront notamment de contrer l’effet négatif de la retraite anticipée sur le montant de sa pension. Cela étant, il n’est pas précisé jusqu’à quel point l’addition de ces points contreront l’effet négatif de l’anticipation, et quels métiers seront définis comme pénibles.

 

Ensuite, pour les périodes d’inactivité, on prévoit d’octroyer des points sur base d’un salaire fictif. Rien n’est dit cependant du nombre de points, du montant de ce salaire fictif et de la valeur des points, et si ces variables s’appliquent uniformément à tous les types d’inactivité professionnelle (congé maladie, congé parental, chômage indemnisé, pause carrière, etc.).

 

En plus de toutes ces prévisions, le gouvernement voit l’opportunité d’introduire une pension partielle, qui n’oblige pas le retraité à travailler ni à le limiter dans ses occupations professionnelles s’il désire continuer à rester actif. Une amélioration par rapport aux systèmes de prépension et de crédit-temps, estime-t-on du côté du gouvernement et du Conseil Académique des Pensions.

 

Les transitions

 

Comme nous le disions déjà, l’implémentation du système à points devrait commencer en 2025. Des périodes de transition d’un système à l’autre sont prévues, bien que leurs contours soient encore flous. De plus, si l’on prône la flexibilité du nouveau système, le report à 67 ans de l’âge légal de la pension pour 2030 pose question : on se rappelle que l’un des principes du nouveau système de pension est qu’il se base sur la durée de la carrière : or, plus on aura reporté l’âge de la pension d’ici l’implémentation du nouveau système, plus la carrière de référence sera longue. On peut donc s’imaginer que, pendant la transition, des mesures seront adoptées pour allonger la durée-type d’une carrière complète.

 

 

Des contradictions

 

Au-delà de cela, certaines démarches sont étranges : les mesures qu’introduisent ce calcul inédit des pensions vise à endiguer l’écart entre les dépenses pour les pensions (plus élevées) et le taux de cotisations sociales (insuffisantes). En effet, le but du gouvernement est de rétablir un équilibre entre l’effort fourni par les travailleurs et celui fourni par les pensionnés, et parvenir à mieux gérer les dépenses de l’Etat. Or, le Ministre Bacquelaine souhaite revoir le plafond des pensions à la hausse pour une question de « justice ». Pour certains, cela semble totalement contradictoire.

 

Et malgré ce qu’en disent les membres du gouvernement, il serait facile de conclure de tout cela que ce seront les travailleurs de la nouvelle génération qui souffriront le plus de ce système à points visant, rappelons-le, à rétablir un équilibre entre l’effort fourni par les contribuables et celui fourni par les pensionnés. A cheval entre l’ancien et le nouveau système, et parmi les personnes les plus sujettes à l’insécurité d’emploi, ces jeunes travailleurs risqueraient de se voir cotiser beaucoup pour recevoir pas grand chose le jour du départ à la retraite.

 

Les prérogatives de l’Etat en matière de dépenses pour la sécurité sociale

 

Enfin, un plus gros point d’interrogation encore taraude l’opposition : qu’en est-il du critère de soutenabilité du système de pension ? En effet, selon les Economistes de l’UCL, la revalorisation de la pension se fait également selon un coefficient de soutenabilité qui prend en compte les capacités et contraintes budgétaires de l’Etat. Par exemple, si le gouvernement l’estime nécessaire, l’indexation du montant de la pension par rapport au salaire moyen peut être partielle. Rien n’est dit cependant sur le type de contrainte et de restriction qui empêcherait l’Etat d’indexer totalement ce montant. Sans critère, on risque l’arbitraire du choix d’une revalorisation partielle

Mathilde Wynsdau

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